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« La tenue de l’élection présidentielle face au marché de dupes des acteurs politiques ? », (Par Cheikh Sadibou Doucouré)

Un jour se lève avec ses peines et plonge notre pays, le Sénégal, dans une impasse politico-juridique grosse d’incertitudes, de contestations, de controverses, de paradoxes et de contre-vérités.

Cette impasse est symptomatique de la bataille que suscite l’élection présidentielle entre ceux qui avancent en funambule entre la peur et l’attrait de la perte du pouvoir et ceux qui s’activent pour un changement alternatif.

La bataille fait déjà rage parce qu’elle laisse peu de place à l’esthétique politique encore moins à l’éthique. Elle est exacerbée, en cela, par d’une part, le dialogue organisé par le Président de la République et d’autre part, l’interprétation différenciée des dispositions de la Constitution relatives à la tenue de l’élection présidentielle opposant d’éminents professeurs constitutionnalistes et un des leurs, par ailleurs, constituant de la dernière révision constitutionnelle qui use, de façon illicite, des énoncés de la science à des fins peu académiques et, -subsidiairement-, même si c’est absurde de les citer, les politiciens à la rhétorique inintelligible, ces « cons intuitifs », cette nouvelle race de pseudo experts, de tous bords, qui envahissent les médias pour créer plus de chienlit autour d’une campagne de falsification factuelle par manipulation ou désinformation.

Oublient-ils que l’exigence de vérité est aussi une exigence de dire la vérité. Le mensonge ne sera jamais une vertu. A ce propos, Kant, explique sur la question du mensonge, dans les fondements de la métaphysique des mœurs, « qu’on ne peut admettre d’exception au devoir de ne pas mentir ».

Il n’est point besoin de rappeler aux politiciens et juristes les fondements du constitutionnalisme, doctrine juridique fondée sur la suprématie de la Constitution sur la loi et les autres sources formelles du droit. Cette suprématie est applicable aussi aux lois constitutionnelles sur lesquelles certains parlementaires, en connivence avec des juristes partisans, voulaient s’appuyer pour déverrouiller les clauses d’éternité sur la limitation de la durée et du nombre de mandats du Président de la république (cf : article 27 de la constitution).

Dans ce jeu, les politiciens tentent de nous faire oublier que « la Constitution, au delà de la garantie des droits et des libertés des citoyens, est d’abord « un modèle de structuration, d’organisation et de fonctionnement de l’État, à travers un ordre rationnel, clair, stable et consolidant ». Il y a donc à la base de la Constitution un enjeu de pouvoir réel.

C’est la raison pour laquelle les débats autour de son application, de sa révision ou de son éventuel amendement ne peuvent être dépourvus de passion.

Il est impératif de rappeler, pour faire bonne mesure, que les conclusions issues d’un dialogue, quelle qu’en soit la nature, n’ont aucun caractère juridictionnel. Elles ne lient pas le Conseil constitutionnel, outre mesure.

Cependant, le vide juridique, s’il est relevé, peut être l’objet d’interprétations diverses et variées. A titre illustratif on peut citer l’article L.O 137 du Code électoral qui met en lumière les cas de vacance de la présidence par : « démission, empêchement définitif ou décès ». Mais il ne pouvait pas prendre en compte le cas de la vacance inédite qui pourrait survenir après le 2 avril 2024, date mettant fin au mandat du Président de la république.

Pendant que certains juristes assimilent cette vacance insolite à « l’expression d’une incomplétude de nos textes inhérente à l’imperfection de toute œuvre humaine », d’autres poussent des cris d’orfraie pour maintenir le dilatoire en évoquant la partie de l’article L.O 137 qui fixe : « la convocation du corps électoral à quatre-vingts (80) jours au moins avant le scrutin ou soixante (60) jours, en cas de vacance par démission, empêchement définitif ou de décès ». Ce rappel des délais de convocation du corps électoral dans les circonstances susvisées indique implicitement la tenue de l’élection présidentielle entre les mois de mai et juin 2024.

Cette incomplétude des textes de loi laissera toujours subsister d’autres situations inédites mais le Conseil constitutionnel, juge de la constitutionnalité des lois devra prendre des décisions y afférentes et faire jurisprudence en la matière. Le Sénégal, pour reprendre sa place dans le concert des nations respectueuses de l’Etat de droit, compte entièrement sur la perspicacité, la vivacité et la justesse d’esprit des membres du Conseil constitutionnel. IL faut rappeler pour clôturer ce chapitre que les décisions du conseil constitutionnel ne sont pas susceptibles d’aucune voie de recours.

C’est dommage de constater, pour le déplorer, que la tenue, à date échue, de l’élection présidentielle qui devait marquer une étape importante dans la vie du peuple sénégalais souverain marque, au contraire, un cinglant recul démocratique.

Pour conclure, nous partageons avec tous les détenteurs de mandat électif, la déclaration du Président Léopold S. Senghor, avant son départ de la présidence de la république : « Je partirai c’est cela qu’il faut faire en son temps. C’est comme cela que je m’accomplirai. D’autre part, si je veux donner un exemple, c’est à mes successeurs sénégalais, afin qu’eux, après avoir accompli leur tâche, ils aient le courage de partir ».

Pikine, le 5 mars 2024.
Cheikh Sadibou Doucouré
Représentant du Khalife Général de khadres de Nimzatt
Chevalier de l’Ordre National du Lion
Spécialiste des Droits de l’Homme et des questions pénitentiaires.
Email : doucourec111@yahoo.fr

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