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Régulation et Instruments juridiques d’Accès au réseau et à l’Interconnexion*

La régulation de l’accès au réseau et de l’interconnexion conditionne l’ouverture réelle à la concurrence du secteur des télécommunications/TIC. Les modalités de l’accès au réseau recouvrent des aspects techniques, économiques et juridiques qui doivent exclure toute discrimination.

Dans le secteur des télécommunications/TIC, des instruments spécifiques de régulation ont été créés afin de favoriser cet accès. C’est le principe dans la loi 2018 portant code des communications électroniques, de l’offre de l’interconnexion qui doit se faire dans des conditions transparentes, objectives et non discriminatoires. Néanmoins, la mise en œuvre de ce principe est difficilement concevable s’il n’y a pas une innovation juridique décisive issue du droit de la concurrence. La théorie de l’accès au réseau, de l’interconnexion et des facilités essentielles (ou infrastructures essentielles) qui ont joué un rôle déterminant dans la reconnaissance de ces droits mérite une attention particulière du régulateur.

L’accès au réseau et l’interconnexion dans le secteur des télécommunications

L’ouverture à la concurrence permet aux opérateurs de fournir des services ou d’établir un réseau d’infrastructure. Encore faut-il que cette liberté soit effective, que les opérateurs soient « interconnectés » entre eux, afin que l’existence de ces différents réseaux et services ne remette pas en cause la possibilité pour les consommateurs de communiquer les uns avec les autres. Pour cela, il faut reconnaître un droit d’accès au réseau à tous, mais aussi le droit à l’interconnexion. Et pour régler ces questions, des instruments juridiques existent pour la régulation tels que la mise en place d’un système de contrats tant pour l’interconnexion que pour l’accès à la boucle locale.

  • Le concept de Réseau Ouvert au Public 

Le concept de réseau ouvert au public tel que disposé dans les articles 4 et 23 de la loi 2018, est l’élément central de l’organisation de l’accès au réseau. L’objet de cet instrument de régulation est d’organiser la conciliation entre les exigences impératives liées à l’établissement et au fonctionnement des installations et les conditions d’ouverture aux tiers.

Deux raisons principales justifient que la liberté d’établissement des infrastructures de télécommunications ne soit pas conçue comme exclusive d’un accès aux réseaux et aux services concurrents : – d’une part des considérations économiques sur le coût de duplication intégrale de l’ensemble des infrastructures existantes et, – d’autre part la nécessité de permettre l’établissement de communications de « bout en bout ». A la base, le concept de réseau ouvert au public était à l’origine lié à une couverture partielle du secteur, avec la concurrence il a progressivement évolué vers la régulation de l’accès et de l’interconnexion.

  • Le concept de réseau ouvert au public à son origine

Le concept de réseau ouvert au public prévoit l’obligation pour les opérateurs de télécommunications/TIC de mettre leur réseau à la disposition de leurs concurrents, tout en leur laissant le droit de définir librement, dans le respect de la législation, les conditions tenant aux interfaces techniques, à l’accès et à l’utilisation du réseau. Cet instrument de régulation est évolutif en fonction du degré de concurrence instauré.

Dans l’acte additionnel au Traité de la CEDEAO N° A/SA 1/O1/07 relatif à l’harmonisation des politiques et du cadre réglementaire du secteur des TIC du 19 Janvier 2007, mal transposé dans la loi de 2018, le concept de réseau ouvert au public avait pour objectif l’harmonisation des conditions d’accès et d’utilisation ouverts et efficaces en matière de réseaux de télécommunications et, le cas échéant, de services de télécommunications, afin de réaliser un marché intérieur des services de télécommunications. Il visait donc particulièrement les opérateurs détenant des droits exclusifs. 

En effet, compte tenu de l’organisation du marché à l’époque, les risques d’infraction à la concurrence étaient très élevés. Les opérateurs publics, à la fois détenteurs de l’infrastructure et fournisseurs de services concurrentiels offerts au moyen de cette même infrastructure, étaient en mesure d’abuser de leur position dominante. Tel n’est plus le cas !

Aujourd’hui, le réseau ouvert au public vise à établir l’équilibre et l’organisation équitable de la concurrence. Dès lors, avec l’évolution technologique et les changements de paradigmes du marché, sa nature a mué et comporte désormais un volet commercial, qui au regard de la disruption technologique a fortement impacté les modèles d’affaires. C’est pourquoi, le régulateur doit l’appréhender autrement lorsqu’il s’agit pour lui de fixer les lignes directrices relatives au partage et à l’accès, selon trois principes fondamentaux qui demeurent inchangés :

  • Le réseau ouvert au public impose à certains opérateurs d’offrir un accès à leurs réseaux et services principaux à des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires. Pour cela, les conditions de la fourniture du réseau ouvert doivent répondre aux principes de base que sont :
  • Elles doivent être fondées sur des critères objectifs ;
  • Elles doivent être transparentes et publiées de manière appropriée ;
  • Elles doivent garantir l’égalité d’accès et être non discriminatoire.

De fait, le réseau ouvert au public est lié au principe d’égalité des chances et c’est pourquoi seules les restrictions fondées sur les exigences essentielles sont admises qui doivent être comprises comme « les raisons d’intérêt général de nature non économique » qui peuvent amener un Etat à limiter l’accès au réseau ou aux services de télécommunications telles que la sécurité du réseau ou le maintien de son intégrité. C’est dire que les exigences essentielles constituent des exceptions à l’ouverture de l’accès au réseau à la concurrence et pour ce faire elles doivent revêtir trois caractéristiques que sont : 

 

  • Elles ont un caractère légal, elles sont définies limitativement par les textes, enfin, les exceptions sont de nature technique et liées à l’infrastructure en cause, telles en particulier la pérennité du réseau et la sécurité des utilisateurs ainsi que des salariés du gestionnaire.

Cet instrument juridique correspond à une régulation à priori de la concurrence, ce qui est inédit !

*Issa Isaac SISSOKHO

Docteur en Droit

Expert en régulation des marchés Télécoms/TIC

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